Lorsque je rentre de Francfort, je teste trois comportements routiers en 6 heures de temps : L’allemand, le belge puis le français. Des différences importantes de conduite sont observables, et participent à ma déprime au fur et à mesure où la route se déroule.
L’Allemagne
Ce n’est pas une légende, en Allemagne on peut rouler très vite, mais aussi très courtoisement. Il n’est pas rare de voir arriver dans son rétroviseur, alors qu’on double à 130 km/h, une voiture hyper puissante, tous feux allumés. Alors là l’impensable se réalise, le bolide décélère jusqu’à ce que vous vous rangiez devant la voiture à dépasser et remet les gaz immédiatement, sans pester ni faire d’appels de diodes éblouissantes. On tente d’apercevoir le conducteur, bien relâché derrière son volant qui donne à la vitesse de son véhicule autre chose que de la supériorité sur autrui : une satisfaction personnelle qui n’importune pas. Je roule extrêmement vite, mais c’est mon choix, et je comprends que d’autres ne soient pas dans la même optique.
Pour sortir de la grande ville qu’on ne connait pas, il faut souvent changer de file de manière intempestive pour pouvoir tourner à droite ou à gauche. Et là encore, pas de heurts, on comprend qu’étranger, vous ayez du mal à vous y retrouver. Et le respect continue lorsque vous empruntez les passages piétonniers, lorsque vous êtes à pied. Ne pas être dans sa voiture ne veut pas dire être dans un autre monde. C’est le même environnement partagé par tous.
La Belgique
Au contraire de l’Allemagne, il règne en Belgique une sorte d’indolence, de somnolence automobile. Tout d’abord, ce qui frappe, c’est l’écart entre les modèles automobiles. On vient de la rutilance pour trouver ici de la modestie, de la bagnole beaucoup moins puissante, mais toutefois proprette. L’usage du clignotant est optionnel chez quasi tous les conducteurs et la monotonie s’installe, insidieuse, surtout que l’on vient déjà de faire près de 300 kilomètres. Et lorsqu’il doit pleuvoir soudainement, c’est sur le sol d’Outre Quiévrain que ça se déclenche, pour durer jusqu’en France. Bref, ce n’est pas la joie !
Il y a dans tout cela ceci de positif qu’on a l’impression de de pas prendre de risques, dans un flux un peu bisounours. Le comportement routier est imprévisible parce que non codifié à l’extrême, comme en Allemagne. Le belge ne manque pas de courtoisie, il n’en n’a pas pour la simple raison que cela ne fait pas partie de sa conception de la route. C’est comme ça, une fois, et puis c’est tout.
La France
Passé la frontière, on voit se profiler le panneau 130 et apparaissent, fatalement, les plaques françaises. La fatigue est maintenant plus présente, et la conduite n’appartient plus à aucune logique auparavant observée. Souvenons-nous, discipline puis indolence. Ici un mélange de nerveux, de trop prudents et de pas assez, de vitupérations et et d’apathie (n’oublions pas que les français sont les plus gros consommateurs d’antidépresseurs au monde…), de grosses berlines mais pas tant que cela, de petites voitures vives et rutilantes. La circulation, même sur autoroute, paraît plus urbaine.
C’est à la mine des gens au volant qu’on se sait en France. Les visages révèlent une sorte de morgue communicative : les gaulois sont les rois de l’insatisfaction, et ils le font bien sentir. Pas de passion, si ce n’est pour sa petite personne. Et dès que le flux s’intensifie, on découvre le mal du pays : rouler sur la file de gauche comme si elle vous appartenait, à vous seul. Et là où avec le même trafic nous roulions à 120 de moyenne en Allemagne, 110 en Belgique, on descend à moins de 100 en France, sur une portion de route limitée de la même façon.
De Sarkozie en « Hollande »
En définitive, ce triple portrait est certainement partisan et exagéré, mais il y a du vrai dans ces aveux. Pas étonnant que l’économie de l’Allemagne soit en forme plus que correcte en temps de crise, que la Belgique ait cherché pendant plus d’un an son premier ministre, restant dans le même temps sans gouvernement, et que la France se farcisse un Sarkozy plus vrai que nature, parfait portrait de ceux qui se sont reconnus en lui en 2007. Il est vrai, notre président est bien bas dans les sondages pour une raison bien simple : il n’a pas su éviter les excès de vitesse en première partie de mandat, freinant à tour de bras après avoir appuyé sur l’accélérateur. Et maintenant, plaquettes usées jusqu’à la trame, direction faussée, il ne maîtrise plus son destin, remis entre les mains de son challenger annoncé François Hollande qui gagnera ou perdra les prochaines présidentielles tout seul, en fonction de son comportement de routier de la politique.