Petit homme, freluquet même, aux traits fins et clairs de par la volonté de son créateur, Hergé. La tenue improbable, et la houppette ridicule, la bonne bouille imberbe d’adolescent et le titre de grand reporter. Voici un cocktail qui n’a rien d’explosif.
Tintin n’existe que par l’univers qu’il côtoie, le détail merveilleux que son génial créateur lui dessine pour décor. Sans les seconds rôles, Tintin ne serait resté qu’un personnage de BD anonyme. La bouffonnerie du Capitaine Haddock, la gémellité catastrophique des Dupond et Dupont, la merveilleuse distraction du professeur Tournesol, les méchants hauts en couleur et faire-valoir dans leurs défaites.
Rastapopoulos peut encore mâchouiller son cigare, et la Castafiore enfiler ses vocalises, le blondinet de service ne les atteint même pas à la cheville en terme de charisme.
Tintin émet des évidences sans saveur, normal c’est lui qui mène la danse et à qui revient la responsabilité de suivre le scénario. Il est dans l’action, dégourdi, chanceux et sauvé à son tour par son chien Milou, sans qui il n’aurait certainement pas survécu à ses premiers déboires.
Les titres des albums, véritables pépites qui collent avec les couvertures léchées des albums, la graphie particulière du titre et ce nom de Tintin (Tim en Allemagne, c’est moins magique) lui ont tressé une destinée hors pair.
Ce sont les Picaros qui m’ont emmené dans l’imaginaire, c’est le temple du soleil qui m’a fait trembler pour la première fois, tant l’éclipse libératrice semblait inespérée. Pauvre Tintin qui doit se coltiner la coïncidence entre la date de son sacrifice découverte dans une feuille de journal chiffonnée et l’occultation de l’astre déifié.
Toutes les invraisemblances sont endossées par un être qui n’a les épaules larges que de sa candeur.
Vous l’avez compris, au-delà de la sympathie simple qu’il inspire à tous, Tintin ne m’a jamais paru être un personnage de BD à qui j’ai confié mes rêves d’enfant. Je l’ai toujours regardé au travers des personnalités terribles qui l’entourent. Sa physionomie figée, sans expression, clone de Quick (et Flupke), du même Hergé, resté dans l’anonymat de la discipline, ne vaut que par le contexte extraordinaire que le concepteur argumentait comme un reportage. N’empêche que, malgré son héros fadasse, j’ai relu les albums de Tintin des dizaines de fois. Merci Georges Prosper Remi.