Le terme de populisme n’a jamais aussi bien porté son nom lorsqu’on lit le dernier tract du FN, trouvé dans ma boîte aux lettres ce jour, sur les mesures concernant le pouvoir d’achat. Dans la première proposition l’attitude est virtuellement complètement à gauche et nous pourrons comparer deux époques, trois points de vue qui montrent combien il faut ratisser large pour aller à la pêche au suffrage ! Il suffit de se concentrer un peu sur le mirage d’un SMIC valeureux défendu par les marginaux des sphères de décisions, en partant de Georges Marchais à Marine Le Pen pour passer par Jean-Luc Mélenchon. Ci-dessous, concrètement, quelques-unes de leurs fixations sur ce SMIC qui dénotent la volonté d’aller vers le vivier des électeurs, celui qui oublie trop souvent de s’exprimer.
– En 1980, M. Marchais propose de porter le SMIC à 3 300 francs tout de suite et à 4 000 francs avant la fin du futur septennat.
– Mélenchon disait, sur i-Télé et Europe 1 le 21 septembre 2011 : « Dans les années 80, le Smic c’était 4.000 francs (…) Amenez le Smic à 1.700 euros, c’est l’amener au point où il était »
– Dans le dernier tract du FN est proposé un véritable coup de fouet sur le pouvoir d’achat des ménages par l’augmentation immédiate de 200 euros jusqu’à 1,4 fois le SMIC.
Sans obligatoirement se positionner sur un SMIC fort ou pas, il est urgent qu’on pense à ne plus prendre en otage leurs bénéficiaires – drôle de mot qui est de la même famille que le bénéfice alloué aux actionnaires d’une entreprise – et à les associer au vertueux abandon du néolibéralisme.
La revendication de la rupture avec le modèle ultralibéral rappelle les vœux pieux du Front de Gauche et vogue sur la vague de ce mot galvaudé, qui ne constitue aucun mouvement politique mais qui véhicule la volonté de déréglementation des marchés et de la disparition des services publics. Reagan, Pinochet sont les fers de lance de cet tendance fortement défendue et mise en vedette par Margaret Thatcher.
À propos de cette dernière, le 8 avril 2013, le FN n’hésitait pas à saluer « la mémoire d’une dirigeante de convictions profondément attachée à la souveraineté de son pays et adversaire résolue de l’Europe fédérale. » Quid des choix politiques néolibéraux de la dame de Fer aujourd’hui combattus par la Dame bleu marine.
En ce qui concerne l’arrêt des politiques d’austérité qui, en gagnant, fait le lit du populisme, Marine le Pen pointe bien qu’elle est voulue par l’UMP et le PS sur la demande de l’Union Européenne en nommant les modèles Grecs, Espagnols ou Italien. Madame le Pen louait pourtant le 16 août 2011, dans un communiqué, le sens du réalisme et de l’intérêt national d’Angela Merkel, fidèle porte drapeau, même et surtout à l’époque, de l’austérité.
L’évitement de la critique directe d’un pays qui fascine toujours le FN par son sens de l’organisation, par le fait qu’il soit le berceau principal d’un nationalisme qui, ne lui en déplaise, n’existe plus en ces termes et au contraire, est remarquable.
Si la politique était un paillasson (quoique?) Marine le Pen s’y prendrait allègrement les pieds dans les contradictions qui caractérisent ses discours. Derrière la logique implacable que les analystes dégagent de la lecture du chemin emprunté par Marine le Pen il y a une psychologie difficile qu’il ne faut pas dissocier du populisme, véritable marque de fabrique de la maison.
Il est étonnant que le féminisme solidaire crée des évitements dans le regard que Marine le Pen porte sur les deux « grandes » dames de l’Europe d’après seconde guerre mondiale et à qui il ne lui déplairait pas de ressembler en personnalité et en poigne.
Au-delà de sa difficulté à assumer sa position de femme politique, féminine dans le port de la chevelure, masculine dans la posture de commandement, comment renier dans les paroles des convictions paternelles qui sont ancrées dans les gènes de la famille et dans l’esprit de la population ? Comment réussir le grand écart entre les dogmes fascistes et les tendances sociales déclamées, par exemple en réclamant la baisse de 20 % de la taxe sur l’essence compensée par un impôt spécial sur les bénéfices des grands groupes pétroliers.
Permettons-nous une petite pause sur ces 20 %. Il ne s’agit pas de diminuer d’un cinquième le prix de l’essence, comme cela voudrait être passé auprès de la population. La taxe s’élève à 0,4284 € en 2013 pour le gazole, ce qui ferait une baisse du carburant préféré des français de 8,5 centimes. L’intention est certes généreuse mais dans les faits trompeuse ! Entre duperie et roublardise sociale, le FN s’insinue dans les limbes profondes des esprits malmenés par la crise.
L’intitulé de la dernière publication du FN qui, soit dit en passant, fait partie d’un feuilleton habile qui égrène au fil des mois sa profession de foi, joue une fois de plus sur la peur en hurlant STOP à l’effondrement. Non pas la baisse, la perte, l’érosion mais l’effondrement. Certes cette chute existe, elle est redoutable et terrible pour des millions de foyer mais elle rend plus pauvres des personnes qui l’étaient déjà, elle enfonce la tête des démunis sous le seuil minimum de respectabilité.
Puisse François Hollande réussir à inverser cette courbe furieuse comme il nous le promet, pour le bien de la France. Le seul vœu de Marine le Pen, rejointe par Copé, Fillon et Mélenchon dans la démarche est que le pays s’enfonce pour dégager des opportunités électorales.
Nul ne dit au président de la République, attendez, nous allons créer une union d’intérêt suprême pour tirer la nation et l’Europe vers le haut, et c’est pour cela qu’en cela les détracteurs de Monsieur Hollande ont raison en criant à la catastrophe. Cela rappelle la situation de la personne qui se noie et à qui quelqu’un, sur la berge, prodigue un cours sur la flottabilité et le geste parfait pour se mouvoir.
Malheureusement, ce ne sont ni le pouvoir d’achat ni les autres manifestations de la crise qu’il faut courtiser, que ce soit le FN ou un autre parti en mal de pouvoir, mais le bien être des français. Créer de l’empathie politique, sortir des modèles stéréotypés du pouvoir pyramidal pour donner un souffle au pays, mettre chacun en confiance et tous en perspective.
S’ils ne se désintéressent pas de leurs avantages, nos hommes politiques montreront qu’ils ne sont pas solidaires de la population et feront le nid des extrêmes qui rêvent de l’Élysée et seraient même prêts à s’y installer pour un euro symbolique.