Le 12 décembre dernier, la Commission européenne a adopté une stratégie en matière d’ouverture des données pour soutenir l’économie de l’union à hauteur de 40 milliards d’euros par an. Ce sont les administrations publiques européennes qui sont principalement visées, car elles semblent avoir « sous les pieds une véritable mine d’or, au potentiel économique inexploité ».
La France ainsi que le Royaume-Uni ont déjà pris conscience de cette richesse en rendant publiques les données de différents ministères. Le but avoué est de transformer les renseignements accumulés en moteur de développement des technologies de pointe, par exemple : l’exploitation des cartes pour le téléphone intelligent, la mise en place de la gestion en temps réel du trafic ou la météo, ou encore des outils de comparaison de prix.
Libre cours est maintenant laissé aux imaginations pour aller au-delà des premiers constats de progrès envisagés. Les gros consommateurs de données – la presse, les universités – bénéficieront d’outils dont la richesse n’a pas encore été pleinement mesurée.
Tirer profit de l’ouverture des données
Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne déclare à ce sujet :
« C’est un signal fort que nous envoyons aujourd’hui aux administrations publiques. Vous donnez davantage de valeur si vous y donnez accès. N’attendez pas pas pour le faire et recourez au cadre qui vous est proposé pour rejoindre les précurseurs qui tirent déjà profit de l’ouverture des données. Les contribuables ont déjà payé pour ces informations et le moins que nous puissions faire c’est de les rendre à ceux qui souhaitent les utiliser d’une façon innovante qui aide les gens, crée des emplois et génère de la croissance. »
La réactualisation de la directive de 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public tend à faire en sorte que « tous les documents rendus accessibles par des organismes publics puissent être utilisés à des fins commerciales ou non, sauf s’ils sont protégés par un droit d’auteur tiers » ; l’accès aux données sera gratuite ou presque et fourni dans des formats couramment utilisés.
Les bibliothèques, les musées et les archives sont inclus dès maintenant dans le champ d’application de la directive. Il a été prévu que la mise en œuvre respecterait les règles relatives au traitement des données à caractère personnel.
Des municipalités ont sauté le pas
La France a déjà ouvert son serveur à l’adresse suivante : data.gouv.fr, sur lequel les données ont déjà vu leur apparition. On peut y trouver, par exemple, le budget de l’Etat 2011, le projet de budget de l’Etat 2012, la localisation des accidents de la route, la qualité de l’air, les produits AOC, la fréquentation des musées… Par ailleurs, parmi les plus recherchés, on trouve le résultat des élections, les effectifs de la fonction publique, des indications sur la criminalité ou les résultats des lycées, l’emploi et le chômage… Des municipalités ont déjà sauté le pas, « Le Monde » du 17 novembre en dénombre quelques-unes.
« La Stampa », dans un article du 15 décembre, (reprise française sur presseurop.eu) relate qu’aux Etats-Unis, 35 applications pour smartphone ont déjà vu le jour, certaines gratuites, d’autres payantes. Elles permettent d’utiliser les transports publics locaux de façon optimale et régulée. Juan Carlos de Martin, en reportage pour le journal à Boston, cite en exemple de vouloir assister à un spectacle. Une application peut compiler en temps réel toutes les données convergentes de sources différentes sur le cinéma, les théâtres, les moyens de transport, le trafic, les conditions de stationnement et les restaurants. Il continue en affirmant qu’en quelques secondes, il est possible d’obtenir des solutions clé en main pour passer une bonne soirée.
A l’aube d’un monde nouveau
Le journaliste de « La Stampa » conclut en soulignant les vertus de la divulgation des sources détaillées des dépenses publiques qui permettraient aux contribuables de connaître la façon dont leurs impôts sont utilisés. Les intentions sont bonnes, mais le chemin sera long vers l’utilisation optimale des données qu’il va falloir faire progresser en termes de quantité et de qualité.
Espérons qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle tentative vouée à l’échec de la part de la technocratie bruxelloise qui ne pourra contraindre les administrations rétives de rendre public un patrimoine collectif pouvant leur sembler strictement personnel. A en croire la Commission européenne, nous sommes à l’aube d’un monde nouveau en termes de transparence et de bien-être technologique. Nous ne demandons qu’à les croire dans cette tentative d’instauration d’un WikiLeaks « légal ».