RSA, quel bilan après 3 ans ? Des doutes sur son efficacité !

Le Revenu de Solidarité Active vient de boucler ses trois ans d’existence et cet anniversaire est dignement célébré, comme il se doit. C’est l’occasion de dresser un bilan le concernant lors de la Conférence nationale d’évaluation du revenu de solidarité active qui se déroule ce 15 décembre.

Lors de la présentation des résultats du comité national d’évaluation, en présence de bénéficiaires, l’ordre du jour matinal pose ces questions :

« Deux ans et demi après la généralisation du RSA, quel état des lieux du dispositif peut-on dresser ? Quelles avancées par rapport au RMI ? Le RSA a-t-il atteint ses objectifs en matière de lutte contre la pauvreté et d’incitation à  la reprise d’emploi ? A-t-il engendré des effets indésirables ? Quelles pistes d’évolution envisager ? »

Une interrogation, plus précisément, nous interpelle. Le RSA a-t-il lutté contre la pauvreté et aidé à la reprise d’emploi ? Il y a dans cette phrase, soit une naïveté incommensurable, soit un cynisme froid et calculé. Dans cette période de crise, orchestrée de main de maître par les Sachs et Cie, il est inconcevable qu’on puisse encore s’arc-bouter sur un système aussi bancal, même s’il a son utilité pour empêcher des Français de ne pas plonger dans la misère en ayant la « chance » de pouvoir rester pauvres !

Jamais depuis que les indemnisations de toutes sortes existent aucun de nos dirigeants occidentaux ne s’est vraiment demandé comment faire évoluer favorablement et durablement le sort des défavorisés. En France, le président de la République actuel a même ostensiblement affiché sa fascination pour le bling-bling, tout en pleurant à chaudes larmes sur tous les malheurs du monde…

La solidarité est indispensable, et nul ne comprendrait qu’on puisse remettre en question ce principe essentiel dans notre démocratie, mais elle ne doit pas être le cataplasme sur la jambe de bois qui permet à nos dirigeants de soulager leur conscience capitaliste (à droite) et sociale (à gauche). La solidarité veut dire partage et certainement pas aumône.

Or nous sommes dans un système culpabilisant d’assistanat : « Tu n’as pas de travail, ce n’est pas bien, mais nous allons t’aider à t’en sortir, puisque tu ne sais pas le faire seul ! ». Alors pour répondre à la question de ce début de paragraphe nous n’utiliserons qu’un seul mot NON ! Le RSA n’a été qu’un cache-misère, sans effet sur la pauvreté et l’emploi pour tous. Il n’y a qu’à voir, les restos du cœur ne savent plus où donner de la tête et les statistiques du chômage flambent.

Deux tables rondes, l’après-midi tenteront de mettre le dispositif en perspective :

« Le RSA a-t-il amélioré l’accompagnement et l’insertion des bénéficiaires? Quelles évolutions faut-il envisager pour optimiser le dispositif ? »

L’accompagnement des bénéficiaires du RSA ne s’est pas passé dans de bonnes conditions, quelle que soit la bonne volonté des organismes concernés. Accorder un minimum pour vivre, pour survivre même, est infamant pour les récipiendaires. On croirait entendre le prêche du dimanche matin, à la belle époque du christianisme moralisateur qui s’occupait de ses pauvres pour s’assurer une bonne place au paradis. Ici, il suffit de remplacer le paradis par les élections présidentielles et le tour est joué. Au sujet de l’insertion, si ce n’était pas aussi grave, nous pourrions en sourire. Réjouissons-nous pour ceux qui ont pu s’en sortir en croisant d’autres êtres crucifiés sur l’autel de la baisse d’activité en France dont la descente aux enfers passe par l’indemnisation chômage, le RSA puis le Secours Populaire et enfin la mort sociale, si ce n’est la mort, tout court.

Une agence Pole emploi (KENZO TRIBOUILLARD/AFP)

Il ne faudrait même pas employer le terme d’évolution, il faut tout simplement repenser notre système de société, basé sur une consommation et une croissance à laquelle les titulaires du RSA ne participent pas. De toutes façons, on peut imaginer qu’ils sont les précurseurs de ce que nous connaîtrons un jour ou l’autre : le cataclysme économique qu’on voit poindre à l’horizon.

Il existe des modèles économiques vertueux, et Joseph Stiglitz martèle que « l’Europe a besoin de solidarité, d’empathie. Pas d’une austérité qui va faire bondir le chômage et amener la dépression ». Il préconise le bas de laine constitué en période faste qui permet d’aider les états en difficultés, mais des états actifs, qui seraient les moteurs de leur renaissance. Dans le cas des bénéficiaires du RSA, il y a peu de possibilité pour eux de s’insérer à nouveau dans la vie de leur pays, et deviennent le poids qu’on veut bien faire peser sur leurs faibles épaules.

Je donnerai beaucoup, du moins le peu que je possède, pour qu’un génie de la finance utilise ses capacités à trouver des modèles économiques socialement viables plutôt qu’à se mettre au service d’un consortium d’actionnaires. Et je ne suis même pas sûr que la gauche soit suffisamment affranchie des habitudes économiques pour être originale. Comme en psychologie, c’est en période de crise que les intelligences devraient se mobiliser pour trouver une solution de remontée de pente, mais une main puissante maintient les têtes sous l’eau, et les décapite lorsqu’elles tentent de reprendre leur souffle !

« La crise économique remet-elle en cause le RSA ou justifie-t-elle un renforcement du dispositif ? Quelles perspectives pour l’avenir ? »

Ces deux dernières phrases interrogatives parlent d’elles-mêmes et appellent une réponse sans concession. Oui la crise économique remet tout en question, mais certainement pas la solidarité. Oui, il faut conserver, et pourquoi pas renforcer l’entraide : on ne peut pas laisser certains de nos concitoyens dans la mouise, à la façon Merkel qui campe sur son Allemagne forte pour dire que les pays doivent assumer leurs responsabilités, et leur déficit, et leur faillite. Tant qu’on aura des comportements irréfléchis, égoïstes, fermés et intéressés il n’y aura pas d’issue à la misère. Les perspectives d’avenir doivent passer par des actes courageux, des gestes fraternels.

Malheureusement je n’ai pas la solution, et même si je l’avais je ne pourrais pas la partager, mais je rêve souvent qu’un candidat nous apporte du neuf, qu’il bouscule les habitudes et nous montre un chemin dégagé, surtout désencombré des processus superficiels de l’économie actuelle. Et là, sûrement, nous n’aurions pas besoin, tous les trois ans, de nous réunir pour voir comment vivent nos exclus de la société !

Philippe Szykulla
Philippe Szykulla
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